L'adossement des écoles fondamentales :
une priorité discriminante, inéquitable et contre-productive.
En vertu de quel principe accorder une priorité aux enfants issus de l'école fondamentale attachée au même établissement que le secondaire ?
Parmi les arguments avancés, j'entends principalement :
La continuité pédagogique, les flux naturels et traditionnels, la proximité entre les deux écoles offrant une plus grande stabilité aux enfants. Et, argument ultime, la liberté des parents de choisir l'école de leur enfant.
Par contre, rarement avancés, l'égalité, l'équité ou la mixité sociale.
Fausse continuité
La continuité est un leure, car il y a bien " rupture " entre le primaire et le secondaire. Tant de choses sont différentes : la formation des professeurs, l'organisation des cours, modes d'apprentissage, … qu'avancer un " continuum pégagogiques " me semble illusoire, et même si, au sein d'un même PO on tente de garder une certaine unité, cet argument est trop léger que pour le traduire en priorité. En pratique il est déjà difficile de maintenir une même pédagogie entre les professeurs d'un même établissement. Et je peux vouloir un type de pédagogie au primaire, et un autre au secondaire, c'est ma liberté de parent, et celle de l'enfant (à 12 ans, il peut également avoir quelques ambitions, plus réfléchies qu'à 2 ans !). Si l'on veut ériger ces princes en priorité, et être équitable, il faut que chaque école primaire soit adossée à une école secondaire assurant cette même continuité pédagogique. Mais au sortir du primaire, tous les enfants n'ont pas la même destinée, un autre type d'enseignement, une autre pédagogie, … peut mieux répondre à l'enfant. Il n'y a pas qu'un seul flux naturel, traditionnel ; le cursus scolaire n'est pas qu'un long fleuve tranquille. Il faudrait donc que chaque école primaire soit adossée à une " palette " d'écoles secondaires, afin d'offrir un maximum d'opportunités à la sortie, assurant un passage " en douceur " à chaque enfant, quel que soit sont orientation à l'entrée du secondaire. Et pour favoriser un minimum de mixité sociale, chaque école secondaire doit être adossée à une "palette" d'écoles primaires de profils socio-culturels différents.
Et comment assurer également une unité de lieu à tous, faut-il des écoles primaires de la même taille que les écoles secondaire ? Si certains trouvent un avantage à rester dans la même enceinte, tant mieux, mais de là à en faire un droit, une priorité, il y a un pas que je ne franchis pas.
Egalité, équité entre enfants
Si un enfant n'est pas accepté dans l'école fondamentale choisie par les parents, doit-il se contenter d'une voie alternative, sans quasiment aucune chance de revenir dans l'école de son choix, ni au primaire, ni au secondaire ? Recalé un jour, recalé, condamné pour toujours ?! Dès l'âge de quelques mois, ces enfants refusés sont déjà "déclassés", de second ordre, toute leur scolarité, ils doivent passer après les autres ?!
Certains parents, n'hésitent pas à inscrire leurs enfants au primaire dans le seul but de lui assurer une place au secondaire, au mépris du bien-être des petits qui passent un temps considérable en transports. N'y a-t-il déjà une discrimination, accessible uniquement aux plus aisés ?
Rarement, voir jamais évoqué, cette ségrégation des enfants confère aux prioritaires un sentiment de supériorité des plus malsains ("Je suis plus que toi, j'ai priorité sur toi, mes parents n'ont pas du faire la file, …") et/ou un sentiment d'infériorité aux autres, car ils ne sont pas issus de la "bonne" école, tout aussi malsains. De plus, ceux-ci auront l'impression de partir avec un handicap par rapport aux autres : s'ils sont prioritaires, c'est qu'ils sont mieux préparés, "meilleurs". Une autre forme de discrimination, entre enfants, totalement gratuite.
Reporte le problème au fondamental, avec ses effets pervers
Tout le problème est alors déplacé vers le fondamental. Les écoles primaires seront cotées en fonction de leurs écoles adossées et de leur nombre, et non en fonction de leur pédagogie, de leurs caractéristiques propres. En corollaire, l'effet pervers : de très bonnes écoles fondamentales pourraient disparaître car pas ou mal adossées. Et quels parents seront conscients que lorsqu'ils cherchent une école maternelle, ils engagent en fait toute la scolarité de leur enfant ?
Quel sens il y a-t-il de choisir l'enseignement secondaire à 3 ans ? Même si les parents peuvent "avoir des ambitions" pour leurs enfants, choisir une école secondaire pour son enfant alors qu'il ne sait pas encore parler, n'est effectivement que l'expression d'une ambition (je ne veux pas dire qu'il ne faille pas avoir d'ambitions pour ses enfants, loin de là). Il s'agit d'inscrire un enfant au fondamental dans l'école qui lui convient le mieux, en accord avec les principes, les ambitions des parents, pour l'école elle-même, et non en fonction de l'école secondaire.
Ensuite, quels modes d'inscription pour le primaire ? On parle moins du problème d'inscription en primaire, car plus dilué ou plus diffus.
Faut-il adosser des crèches, il y a la aussi des "flux naturels et traditionnels" ? Sinon, quels critères ? On n'avance guère, on a juste déplacé le problème du secondaire au maternel.
Et s'il n'y a pas assez de places pour les adossés, comment répartir les places : par tirage au sort, selon l'ordre d'arrivée, à la "discrétion" du directeur, en fonction d'une proximité géographique, ... ?
Restriction de la liberté de choix
Enfermé dans un (sous-)réseau dès l'âge de 3 ans, il sera quasiment impossible d'en sortir : 9 ans plus tard, à l'issue du primaire, la liberté sera très restreinte, voire nulle.
En poursuivant dans la voie de l'adossement multiple, où chaque école primaire est adossée à une " palette " d'écoles secondaires, et vice-versa, va-t-on créer des bassins scolaires (partition géographique), ou des "zones d'influence" (patchworks se chevauchant) ? L'adossement en "toile d'araignée" créera de nouveaux réseaux, ou sous-réseaux d'écoles, duquel il sera quasiment impossible de sortir. En effet, avec les adossements actuels, il ne reste déjà que (très) peu de places disponibles pour "les autres" dans certains établissements, si ceux-ci s'adossent encore à d'autres écoles, ils ne pourront même pas absorber la population adossée, comment imaginer alors que des "extérieurs" puissent encore espérer une place ?
Et comment expliquer à son enfant neuf ans plus tard, qu'on avait choisi la meilleure école primaire pour sa pédagogie, pour sa proximité, son cadre, … , mais que ce faisant, on lui a implicitement fermé la porte à l'école secondaire de son choix ? Au terme du primaire, il faut pouvoir inscrire les enfants dans l'école secondaire la plus appropriée, qui ne sera pas toujours "la voie traditionnelle". De nouveau, une question de liberté.
Un modèle liant fondamental et secondaire serait plus complexe encore, demande aux parents de faire des choix à très long terme, sans aucune garantie ni sécurité. En 9 ans, le temps du fondamental, bien des choses peuvent changer, tant au niveau familial, de l'enfant (qui peut évoluer dans des directions inattendues), de l'école primaire, de l'école secondaire visée, ...
Exercice d'un droit acquis, éludant la réflexion
La rupture de ce lien de priorité aux écoles adossées forcerait chacun à se poser la vraie question du choix de l'école du secondaire, plutôt que d'exercer un droit acquis, fruit de l'ambition de parents se penchant le berceau de leur tout petit. En décembre 2008, au terme de la procédure d'inscription loterie, un parent me confiait avoir inscrit, sans jamais se poser de questions, son enfant dans l'école adossée. Et celui-ci, alors que tout était " clôturé ", de demander : " Je ne pourrais pas aller dans une école d'immersion ? "
J'ai beau y réfléchir, je n'ai pas l'impression que l'adossement, même généralisé(*), fasse réellement progresser les choses.
Et je ne voudrais plus entendre de réflexions telles que : "C'est normal qu'on ait priorité, tu n'avais qu'à choisir la bonne école primaire. Tu n'as qu'à inscrire ta fille ailleurs !".
Vous n'êtes pas convaincu, vous voulez d'autres arguments, d'autres commentaires ? Voici quelques messages postés sur le blog complémentaire de ce site :
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(*) Proposé par certains, l'adossement généralisté part du principe que chaque école primaire soit adossée à au moins une école secondaire, et vice versa.
Pierre HARDY.
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